Après notre passage à Berat, nous avons repris la route vers le sud de l’Albanie. Nous avons d’abord longé une côté truffée de plages aussi turquoise que désertes, puis nous nous sommes enfoncés dans les sauvages massifs calcaires du sud-est où nous nous sommes baignés dans des sources, avons parcouru des canyons et découvert un patrimoine architectural et religieux inouï. Au niveau du lac Prespa, nous avons rejoint la Macédoine du Nord et la ville d’Ohrid, où nous avons repris un appartement.
Du dimanche 16 au samedi 22 mai, nous avons profité de notre jolie terrasse à Berat. Ecole, lessive, petits déjeuners albanais servis par notre logeuse (les filles se sont offert quelques déjeuners clandestins, vu leur peu de goût pour les byreks à la feta le matin). La ville ancienne s’étage sur les deux flancs d’une vallée. Le gardien de la mosquée nous ouvre le tekke bektashi et la mosquée du sultan, qui étaient fermés pour cause de travaux. Le jeudi 20 mai, nous remontons en voiture la vallée jusqu’à Bogovë où nous faisons la jolie balade conduisant à la cascade… sous la pluie. Et, bien entendu, le 19, nous fêtons à distance les anniversaires de Sibylle et Yaya et, le 21, en présence de l’intéressée, celui de Clémentine !
Le samedi 22 mai, nous partons sous un grand soleil vers le sud. Quelques victuailles et le plein à Fier, avant de passer le col de Llogara d’où nous découvrons une stupéfiante vue sur la côte ionienne. Nous nous arrêtons dans une oliveraie, au-dessus de la plage de Gjipe, que nous rejoignons à pied. Nous passons là la nuit, le propriétaire autorisant contre une modique somme, les nuitées de voyageurs. Nous ne sommes d’ailleurs pas seuls. Deux énormes camions de voyageurs allemands et quelques fourgons s’abritent sous les oliviers.
Le dimanche 23 mai, nous nous arrêtons dans le haut-village, partiellement en ruines, de Himarë, puis nous offrons un délicieux repas grec – ici vit une minorité grecque et tout est écrit dans cette langue – dans un petit jardin ombragé à Himarë-plage. Nous continuons jusqu’à la forteresse de Porto Palermo, imposante construction triangulaire sur une presqu’île et terminons notre journée à la plage de Bunec, là également colonisée par d’autres voyageurs. Nous y retrouvons Parcifal et Aurélie, des flamands qui étaient déjà la veille dans l’oliveraie de Gjipe.
Le lundi 24 mai, nous continuons à longer la côté vers le sud. Peu avant Saranda, nous nous enfilons dans un petit vallon et laissons la voiture vers une base militaire désaffectée. Nous continuons à pied jusqu’à un petit monastère abandonné, jonché d’herbes folles. L’église est ouverte et nous y découvrons de splendides fresques. Nous cherchons à continuer en direction de la plage déserte qui nous nargue à un ou deux kilomètres. Mais le chemin se perd dans les herbes qui se transforment en ronces et en chardon au fur et à mesure de notre progression. A mi-chemin, nous renonçons… Saranda est une ville balnéaire sans aucun intérêt, que nous traversons et filons vers Ksamil, où nous étions passés en 2013. C’est aussi très touristique, mais la topographie des lieux – une dizaines de petites criques qui forment un petit golfe – rend les lieux supportables. Nous choisissons une des dernières criques et nous garons à côté du Puerto Rico beach bar. Le patron, qui termine les travaux avant l’ouverture de la saison, nous accueille chaleureusement. Nous lui achetons quelques boissons et profitons de sa plage, de ses transats et nous finissons par dormir dans notre minibus juste à côté de son bar.
Le matin du mardi 25 mai, il nous attend avec café turc et raki, que nous dégustons en regardant les filles canoter dans la baie, sur notre petit bateau pneumatique. Nous continuons en visitant le site archéologique de Ksamil, extrêmement bien mis en valeur, sur une presqu’île dans une lagune, à proximité de la frontière grecque. Nous avons atteint la pointe méridionale du pays et quittons la mer. Dans l’arrière-pays, nous nous arrêtons à Syri i Kaltër, l’oeil bleu, une impressionnante source vauclusienne d’où jaillit un important débit d’eau aussi transparente que froide. Les variations de bleu rendent la chose très belle et, hors saison, nous y sommes presque seuls. Nous garons le minibus un peu à l’écart et y retournons au coucher et au lever du soleil.
Le mercredi 26 mai, nous passons le premier chaînon de montagne pour nous retrouver dans la large vallée du Drino, sur les flancs de laquelle se trouve Gjirokastër, une magnifique ville aux toits en pierre, un peu touristique, mais très agréable. Nous y mangeons très bien et bénéficions d’une visite guidée d’une maison ottomane de plus de 300 ans. En fin de journée nous remontons la vallée de la Vjosa pour nous retrouver à Bënjë, à côté d’un magnifique pont ottoman surplombant des bassins thermaux libres d’accès. Il y a pas mal de monde. Nous y passons la nuit dans une ambiance un peu boy-scout avec d’un côté des motards hongrois et de l’autre un feu de camp agrémenté de chants tchèques.
Le jeudi 27 mai, nous enfilons nos chaussures de plage et remontons, dans la rivière, l’impressionnant canyon en amont du pont. Nous sommes presque seuls et progressons une bonne heure dans l’eau, entre les parois escarpées. Au retour, pour la première fois, nous pouvons profiter de l’effet de la douche solaire, agréablement tiède. Nous continuons en remontant la vallée de la Vjosa, découvrons à Çarshovë, le magasin le plus vide du pays (et vraisemblablement d’Europe) qui ne propose que des serviettes, quelques chocolats et des bières. Nous attendons que le bus local vienne le réapprovisionner en pain – 4 miches pour tout le village, nous n’en prenons qu’une – et poursuivons jusqu’à la frontière grecque. Le poste est fermé pour cause de pandémie, nous continuons vers le nord, la route devient étroite et sineuse, les nids de poule se multiplient. Nous dormons près d’un col, dans une jolie prairie.
Le vendredi 28 mai, nous continuons lentement – la route est mauvaise, voire franchement dégradée – vers le nord, dans des paysages splendides qui évoquent le Jura. Pas de Fritz des Rangiers, mais des monuments plus ou moins grandiloquants aux partisans qui ont vaillamment résisté aux troupes mussoliniennes, puis nazies. Nous arrivons à Korçë vers midi. Le centre-ville est refait à neuf, dans un style francophile-début XXe un peu frelaté mais agréable. Des dizaines de terrasses s’offrent à nous. Nous grignotons une pizza, visitons la mosquée, puis traversons à pied la ville, jusqu’au magnifique musée d’art médiéval, où sont exposées des dizaines d’icônes d’époques différentes, dans des salles de couleurs différentes. Nous montons jusqu’à l’église surplombant la ville, hésitons à y dormir, puis renonçons. Une quinzaine de kilomètres plus au nord, peu avant la frontière macédonienne, nous trouvons un endroit avec une belle vue sur la vallée au soleil couchant.
Le samedi 29 mai, nous passons un petit col pour arriver en vue du Lac Prespa, partagé entre l’Albanie, la Grèce et la Macédoine du Nord. De nombreux pélicans y résident et lorsque nous prenons un chemin pour aller contempler le tripoint, nous rencontrons deux tortues et une belle vipère qui s’en va nonchalamment. Le passage de la frontière se fait sans problème et nous allons voir les oiseaux depuis la rive, à Stenje, avant d’emprunter la route du col qui nous sépare d’Ohrid. En haut, nous enfilons nos chaussures et partons à l’assaut du mont Magaro, que nous avions déjà gravi en 2013. Près de 700 mètres plutôt raides, avec encore pas mal de névés – inattendus – dans le dernier tiers de la montée, mais des vues absolument superbes sur les lacs Prespa et d’Ohrid. Nous nous garons vers un point de vue panoramique. Un minibus allemand, avec un enfant de cinq mois, nous rejoint. Nous discutons un peu en admirant le coucher de soleil.
Le dimanche 30 mai, au pied du col, un gardien du parc national nous demande un droit d’entrée (en fait de sortie, pour nous). Comme nous n’avons pas de monnaie macédonienne (aucun bancomat ni bureau de change depuis la douane…) et qu’il refuse les leks, nous essayons de retrouver des euros. Il en veut trois, nous n’en avons que deux. Il nous laisse passer, mais sans ticket… Quelques kilomètres pour rejoindre Ohrid où le soleil se voile pendant que nous sirotons un café dans la zone piétonne – et touristique – plutôt sympa. Au moment où nous arrivons à l’appartement que nous avons réservé, la pluie s’abat sur nous. Une fois de plus, nous arriverons à éviter de dormir sous la pluie dans le minibus…