Dix jours à travers l’Anatolie

Une fois arrivés à l’extrême-Est de la Turquie, aux frontières avec l’Iran et l’Arménie, il ne nous restait plus qu’à repartir vers l’Ouest, en profitant des paysages incroyables et des villes attachantes que recèle ce pays. Par étapes de 200-250 kilomètres, nous avons progressivement passé du Kurdistan, sauvage, sec, attachant et militarisé à la Turquie européenne, où nous nous retrouvons dans des paysages et des ambiances beaucoup plus familières.

Le vendredi 9 juillet, nous nous baladons un peu à Kars, qui est décidément une ville attachante, visitons une mosquée qui était à l’origine une église russe avec une architecture de gare et achetons quelques loukoums avant de prendre l’autoroute du sud-ouest à travers de splendides paysages de hauts-plateaux. La pluie menace et nous décidons de prendre un hôtel à Erzurum. Bien joué, car plusieurs grosses averses nous auraient fait passer de mauvais moments dans le minibus. La ville, à près de 2000 mètres, au pied de splendides montagnes pelées, est très agréables. Nous remontons la rues des futurs mariés – à droite les magasins de robes, à gauche ceux de bijoux. Puis nous allons nous abriter dans un café où nous vidons une théière turque et finissons par commander des pide.

Le samedi 10 juillet nous repartons à pied en ville. Achat d’un collier pour Nathalie – joyeux anniversaire ! – et de quelques habits pour les filles qui grandissent. Quelques monuments, un petit thé dans un jardin et nous continuons notre route en direction d’Erzincan, avec un rapide arrêt à la gare d’Erzurum, humble terminus (la gare de Versoix est plus grande) du jeu « Les aventuriers du rail ». Là aussi, la route est splendide, nous frôlons la province de Tunceli, à la réputation sulfureuse, puis arrivons dans un grand parc à pique-nique où nous sommes accueillis par un imam qui a exercé en Hollande, qui nous assure que nous pourrons dormir sans souci sur place, dans notre bus. Nous pique-niquons au milieu de dizaines de familles et, au moment de nous coucher, il y a encore quelques personnes dans le parc, qui ne font pas vraiment attention à nous…

Le dimanche 11 juillet, nous continuons notre progression. Petit à petit, la présence policière est moins visible. Il y a en tout cas moins de barrages militarisés et surprotégés. Par contre, tous les 100-150 km, il y a un contrôle routier. Nos plaques semblent nous immuniser, puisqu’en une dizaine de contrôles, nous n’avons dû montrer qu’une seule fois notre permis… Halte pique-nique au bord d’un lac, puis arrêt à Sivas, où nous rejoignons la boucle faite en 2014. La ville est toujours aussi animée et sympa. Un thé, quelques achats, avant de repartir un peu plus loin. Nous hésitons à passer la nuit vers des sources thermales – ça ressemble un peu à Pamukkale, mais renonçons tant il y a de monde. Un peu plus loin, nous trouvons une aire de pique-nique déserte, un peu à l’abandon, où des chiens errants peu ragoûtants viennent un peu perturber notre repas.

Le lundi 12 juillet, en route vers Boğazkale, nous faisons un arrêt-achats dans un petit centre commercial de Yozgat. C’est là que Zoé trouve le tapis de ses rêves, qui lui rappelle les mosquées. Et hop, nous nous retrouvons avec un bagage de plus, roulé aux pieds des filles. Nous passons l’après-midi sur les rives d’un petit lac de barrage isolé. Hamac, lessive et apéro, avant de passer une bonne nuit.

Le mardi 13 juillet, nous visitons le site de Hattuşas. Un peu déçu au début – les ruines vieilles de plus de 3500 ans sont dans un état peu lisible – nous finissons par être charmés par la beauté des lieux et plein de détails, en particuliers des hiéroglyphes très émouvants. Après un bon pique-nique dans le jardin du musée, nous reprenons la route et arrivons une petite heure avant le coucher du soleil, sur les rives du Tuz Gölü, un lac salé blanc immaculé. Le désert commence devant nous et, quelques centaines de mètres plus loin, une fine pellicule d’eau le recouvre. C’est splendide, nous prenons plein de photos. Au moment de souper, trois chiens un peu insistants viennent un peu gâcher notre plaisir. Impossible de manger en leur présence… Nous nous replions sous la tente de toit où nous admirons l’apparition des étoiles sur le désert de sel.

Le mercredi 14 juillet, comme les chiens sont toujours là, nous allons déjeuner un peu plus loin et profitons d’arpenter une autre partie du lac salé. Puis nous obtenons l’autorisation de traverser une exploitation de sel pour emprunter la digue qui traverse le lac. C’est très cahoteux, mais magnifique. Sur l’autre rive, nous devons encore parcourir une trentaine de kilomètres de pistes avant de rejoindre une route. Nous lavons le minibus, qui a pris passablement de sel et finissons par approcher Ankara sur une autoroute à huit pistes flambant neuve et complètement vide – le péage est très élevé. Nous ne voyons de la capitale que les faubourgs où une urbanisation galopante colonise le paysage. Partout de grands immeubles flambant neufs, parfois encore vides. Un peu plus loin, nous nous arrêtons au joli marché de Beypazarı, avant de rejoindre les montagnes rayées et multicolores de la réserve de Nallıhan, où nous nous posons au pied de collines-pyjamas. Un producteur de films passe pour faire un repérage, nous discutons un peu avec lui, il est très sympa et nous propose de passer chez lui, à Istanbul – nous renonçons vu la circulation démentielle de la ville…

Le jeudi 15 juillet, nous commençons par nous balader dans la réserve ornithologique. Ce n’est pas grand, mais des centaines d’oiseaux d’espèces différentes se côtoient dans une lagune dominée par les montagnes multicolores. C’est fascinant. Nous repartons ensuite vers le Nord-Ouest. A Sakarya, nous cherchons une concession Renault, car il faut faire un service au minibus avant le grand retour. C’est malheureusement un jour ferié – commémoration du coup d’Etat de 2016 -, mais nous finissons par trouver un garage qui nous donne un rendez-vous pour le lendemain. Nous quittons la ville pour aller dormir dans une vallée au bord d’une rivière un peu bondée de pique-niqueurs (oui, c’est bien un jour férié !).

Le vendredi 16 juillet, nous nous réveillons tôt – une des rares fois de l’année où nous avons mis le réveil – pour amener le minibus au service. Pendant ce temps, nous nous baladons à Sakarya, qui est à la fois grande et sans intérêt. Nous finissons par siroter des thé sur une terrasse. Au retour au garage, tout est prêt, même s’ils ne parlent que très peu anglais, le service est à la fois pro et aimable. Nous avons pu nous assurer que tous les filtres sont changés, que les freins sont en ordre et que de l’huile de bonne qualité a été mise. Tout ça pour une centaine de francs… Nous passons sur le contournement d’Istanbul et empruntons le deuxième pont sur le Bosphore. Nous revoilà en Europe… Nous finissons la journée à Karaburun, à la plage – la mer Noire est belle de loin, mais il y a quand même pas mal d’algues… et allons dormir au pied d’un mât d’éolienne désaffecté.

Le samedi 17 juillet, les filles se réveillent sur un matelas tout dégonflé… C’est le troisième qui crève depuis notre départ. Nous essayons de réparer sans succès et faisons un petit détour par Çorlu pour en acheter un neuf au Décathlon du coin. Les magasins ressemblent à ceux d’Europe occidentale, nous sommes loin du Lac de Van… Nous rejoignons Edirne où nous mangeons un délicieux dürüm au poulet (enfin c’est le cas de Julien, car une petite tension intrafamiliale est survenue entre temps). Nous avons réservé un appartement à Karaağaç, petite enclave turque sur la rive droite de la rivière Meriç, où magnifique monument dédié au traité de Lausanne rappelle la résistance héroïque de la région face aux menées grecques en 1920-23.

Le dimanche 18 juillet, nous passons la journée en ville. Visitons ses magnifiques mosquées et faisons quelques achats, vu que nous nous approchons de notre départ du pays…