Le soleil se couchait, le 5 décembre, lorsque nous avons débarqué à Fuerteventura. Comme nous voulions trouver, avant la nuit, un lieu pour dormir en dehors de la capitale, nous nous sommes dépêchés d’en sortir et nous sommes vites retrouvés en plein désert. A la recherche crépusculaire d’un lieu proposé par park4night, nous nous sommes arrêtés sur une esplanade, au milieu d’un réseau de pistes et au centre de nulle part, avec la mer à proximité. C’est là que nous avons foulé pour la première fois l’île et que nous avons eu notre première surprise…
Sous son apparence aride et caillasseuse, cette île est molle. On ne s’y enfonce pas vraiment, mais on ressent, à chaque pas, un léger chaloupement, une impression que l’on ne connaissait plus depuis l’époque des tapis de gym Alder&Eisenhut. Ce n’est pas humide, ça ne colle pas, ce n’est pas sablonneux non plus, les véhicules ne s’y embourbent pas… C’est juste un peu mou et plutôt agréable à arpenter.
Alors certes, toutes l’île n’est pas recouverte de cet étrange substrat, mais à plusieurs reprises, au cours de nos balades, dans des lieux parfois inattendus – sur des volcans, vers des plages – nous nous sommes laissés agréablement surprendre par cette île qui, sous ses aspects austères, sait amollir ses angles…
Du 7 au 10 décembre, nous avons logé dans un petit appartement à Corralejo, dans un immeuble bien décati, bizarrement peuplé. Un après-midi, un ado, prétendant vivre en-dessous, est venu se plaindre de notre bruit nocturne. Nous avons beau lui avoir répété que nous dormions, il est parti fâché – et nous aussi, sans que nous ne comprenions le vrai but de sa visite… Mais nous avons aussi couru dans les dunes de sable blanc du parc naturel tout proche, testé le bodyboard « Annick 2 » reçu par Zoé à son anniversaire, marché jusqu’à la plage pop-corn, recouverte de coraux blanc et bulbeux… et bien avancé dans le travail scolaire des filles.
Le jeudi 10 décembre, nous sommes partis vers le sud-ouest et nous sommes arrêtés à différents endroits le long de la magnifique côte. En fin d’après-midi, fraîche baignade dans les piscines naturelles d’Aguas Verdes, que la marée montante remplit progressivement. Nuit à côté d’un moulin, près de Tefia.
Le vendredi 11 décembre, nous arrivons à Betancuria, très pimpante petite ville (village plutôt) historique, où un guitariste reprenant des classiques espagnols, crée un ambiance douce-amère sur la petite place de l’église fraîche et ensoleillé, et presque vide. Nous poursuivons dans la vallée du Rio Palma, qui évoque les oasis de l’Atlas. Petites palmeraies, flancs arides, route sinueuse à flanc de côteau, belvédères ahurissants. Tout y est. Nous arrivons ensuite à Ajuy et, toujours en nous fiant à Park4night, trouvons une petite piste qui nous amène après 3,5 kilomètres de cahots et de pentes abruptes, sur une plage de galets dominée par une splendide arche. Nous sommes seuls (ou presque – des campeurs plus que discrets partagent l’endroit) et Ju et Zoé profitent des piscines naturelles dissimulées derrière l’arche au coucher du soleil.
Le samedi 12 décembre, après avoir passé la matinée à dessiner et lire, nous revenons à Ajuy pour voir les grottes maritimes. C’est là que nous réalisons que nous avons oublié nos cales de nivellement vers l’arche… Conciliabule. Soit nous les abandonnons (une des deux était déjà largement fendue…), soit nous refaisons 7 km de mauvaise pistes, soit nous longeons la côte à pied sur 2 kilomètres dans chaque sens pour rejoindre l’arche. C’est ce que nous faisons, mais, à l’arrivée, les cales ont disparu et font sans doute le bonheur d’autres voyageurs. Désormais nous devrons trouver des endroits plats pour dormir, tant que nous n’en aurons pas acheté… A cela s’ajoute la difficulté de trouver des endroits abrités du vent et de devoir placer la tente face au vent lorsqu’il y en a un peu. Pour nous consoler, nous nous offrons un exquis repas de poisson dans un restaurant sur la plage et remontons la vallée jusqu’à un splendide belvédère où nous passons la nuit.
Le dimanche 13 décembre, nous sommes à nouveau dans la région de Betancuria. Nous gravissons le flanc de la vallée dans une des rares pinèdes de l’île et longeons la crête qui sépare la vallée du reste de l’île, de volcan en volcan. La vue porte au nord jusqu’à Lanzarote et s’étend, au-delà des cônes volcaniques jusqu’aux deux côtes. Nous passons l’après-midi dans une palmeraie, à dessiner et à régler quelques comptes familiaux…
Le lundi 14 décembre, nous repartons vers le sud. Pájara, mirador de Sicasumbre… C’est le jour de l’éclipse que nous aurions dû voir en Patagonie argentine… Un petit regret et beaucoup de plaisir à admirer des paysages sommes toutes assez proches des grandes étendues désertiques sud-américaines. A La Pared, nous marchons le long des falaises jusqu’à la plage. Trop risqué pour se baigner. Un surfeur s’y lance mais n’ose pas trop aller loin. Un body-boarder s’échauffe avec beaucoup d’ostentation et revient vite après deux ou trois rouleaux… Nous traversons l’isthme de Jandia et passons la nuit à Risco del Paso, sur la plage de Sotavento, une des plus belles de l’île, avec un lagon turquoise que la marée remplit.
Le mardi 15 décembre, nous passons la matinée à la plage, sur les bancs de sable entre lagon et haute mer. L’eau est complètement transparente, à l’image du costume de quelques rares touristes qui adoptent la tenue d’Eve dans ce paysage paradisiaque. L’eau est un peu fraîche, mais la baignade est délicieuse. Nous poursuivons sur Morro Jable – abominable station au ralenti – et nous plongeons dans la partie la plus sauvage de la péninsule. Une petite piste à flanc de coteau, qui évoque les routes pakistanaises, les camions en moins, nous permet d’atteindre un col et de redescendre, au nord, sur Cofete, petit village de baraquements dominé par la mystérieuse villa Winter. Nous nous garons vers la plage et, lorsque nous revenons vers notre minibus, nous avons l’occasion d’aider, avec un Polonais et deux Esapgnols, deux jeunes filles dont le bus VW s’était profondément ensablé.
Le mercredi 16 décembre, nous grimpons jusqu’à la Villa Winter, étrange bâtisse complètement isolée, construite par un ingénieur allemand dans les années 30. Un musée est annoncé, mais, sur place, une barrière empêche l’accès… bizarre… En descendant, nous traversons les restes de la piste d’atterrissage abandonnée que les propriétaires utilisaient il y a plus d’un demi-siècle… Le phare de la punta de Jandia nous déçoit un peu. Nous retournons faire une plongeon à Sotavento et, en fin de journée, rejoignons l’appartement que nous avons réservé à Valles de Ortega. Nous aurons passé 6 nuits d’affilée dans le minibus, nous avons bien mérité une douche chaude !